Il y a 5 ans sortait #JohnCarter en France !
Le 7 mars 2012, je ne tenais plus en place à mon bureau. Plus que quelques heures et je m'assiérai dans un fauteuil de cinéma pour visionner enfin John Carter, une adaptation au cinéma de ce qui est toujours à ce jour ma série de romans favorite. Pourtant on ne pouvait pas dire que le marketing du film donnait envie. Affiche moche, bande-annonces peu excitantes, une presse outre-Atlantique qui descendait déjà le film sans l'avoir vu... Seules quelques critiques dythirambiques donnaient espoir, comme celles d'Aintitcool News, qui parlait déjà du "Star Wars de cette génération". Impossible alors de savoir ce qu'il allait devenir du film au box-office. Allait-il se planter ? Allait-il attirer les foules malgré tout par la force de son bouche-à-oreilles ? Le film ne sortait que deux jours plus tard aux Etats-Unis.
J'avais pris mon après-midi exprès. Je ne pouvais pas décemment attendre le week-end pour un film que j'avais attendu une bonne partie de ma vie. Il fallait que je sois là à la première séance pour me rendre compte si c'était réellement le désastre annoncé ou un chef-d'oeuvre en péril. J'achète fébrilement ma place, et en attendant que les lumières s'éteignent, je relis quelques passage de La princesse de Mars, que j'ai amené dans mon sac avec moi. Cela aide à patienter, bien que je connaisse le roman par coeur. Je suis de toute façon déjà amoureux de la princesse de Mars depuis 1988... Je relève la tête, pas grand-monde dans la salle, malheureusement. Pas très encourageant pour le film (qui finira par atteindre un million d'entrées France). La lumière d'éteint. Plus que quelques publicités pénibles à endurer pour des produits que je n'achèterai jamais, ainsi que des bande-annonces pour des films que je n'ai aucune envie de voir...
Ce premier visionnage a quelque chose de douloureux. Je n'y vois finalement que ce qui ne fonctionne pas, le rythme bancal, les scènes d'exposition placées bizarrement, et en plus concernant des enjeux qui ne figuraient pas dans le livre d'origine. Un des spectateur émet des bruits de ronflement lorsque Dejah et Carter explorent le temple des Therns, et je ne peux m'empêcher de noter tous les détails soit changés, soit purement et simplement ignorés. Et même si celui qui prétendait ronfler à un moment donné finit par dire à la fin "c'est mieux que ce que je pensais" (réaction qui sera à peu près celle de tous ceux qui découvriront le film après coup, soit une immense majorité qu'on ne peut malheureusement pas évaluer), je suis pour ma part extrêmement déçu.
Cette opinion initiale changera du tout au tout au cours des semaines, lorsque je réalise tout ce qui fonctionne, et tout ce qui vient du livre en droite ligne, à commencer par l'extraordinaire scène où Carter se sacrifie pour sauver Dejah et Sola. Même si les enjeux sont un peu différents, la fin extraordinaire est aussi celle du livre. Le séjour chez les Martiens Verts est une copie quasi conforme de celle du Carter du roman. Les personnages, même un peu transformés, sont attachants et bien incarnés. Bref, John Carter à ce moment-là prend lentement mais sûrement dans mon esprit une place de choix parmi mes films préférés, tout simplement. Et il l'a toujours aujourd'hui.
La suite, on la connait. Le film ne fait même pas 100 millions aux Etats-Unis et ne rapporte que 283 millions de dollars dans le monde entier. Insuffisant pour lancer la suite, qu'Andrew Stanton était déjà en train d'écrire. Et peu importe qu'une bonne partie de cet échec puisse être imputé à un marketing désastreux, Disney s'en lave les mains (annonçant des pertes alors même que le film est encore en salles !), et se sépare des droits de façon anticipée. Ils n'ont plus besoin de John Carter de toute façon, ils ont Marvel et s'apprêtent déjà à racheter Star Wars...
Les fans tentent de s'organiser, et même l'équipe du film se manifeste en créant d'elle-même la page Facebook "Take me Back to Barsoom". Tout le monde veut la suite finalement, sauf ceux qui pourraient la financer. Trop peu de monde sans doute se mobilise pour réclamer la suite, la pétition rame à réunir 15000 signatures.
5 ans plus tard, quel est l'état des lieux ? Les droits de John Carter sont dans la nature, disponibles pour qui voudra les acquérir, ce qui signifie pour l'instant, très concrètement, que personne n'en veut. Concernant les autres propriétés signées Edgar Rice Burroughs, les droits cinématographiques de Carson de Vénus ont par contre été achetés, Warner a sorti avec un certain succès un nouveau Tarzan en 2016 (mais là encore, pas d'engagement sur une suite éventuelle, à ce jour), et il y a une nouvelle série animée de Tarzan sur Netflix (qui n'a pas grand-chose à voir avec le personnage). Andrew Stanton a indiqué par des tweets qu'il voudrait organiser un événement autour de John Carter, en guise de conclusion à cette aventure, au cours duquel il révélerait ce qui auraient dû se trouver dans les deux suites prévues du film. Dynamite Entertainment continue à publier périodiquement des bandes dessinées John Carter aux Etats-Unis (dont un crossover mettant en scène tous les héros emblématiques de Burroughs). ERB Incorporated publie sur son site des comic strips consacrés aux héros de Burroughs, moyennant un abonnement de 1,99$ par mois. La société anglaise Modiphius Games a les droits de produire des jeux sur John Carter, et devrait sortir un jeu de rôle, déjà bien avancé, un jeu de figurines et un jeu de plateau. L'auteur Scott Tracy Griffin, qui a écrit "Tarzan the Centennial Celebration" et "Tarzan on Film", va annoncer un nouveau projet de livre lié à John Carter le 1er avril.
Comme le crierait le capitaine Carter lui-même, "je suis toujours vivant !". Paradoxalement, si le film est considéré comme un échec, il aura cependant mis en lumière le personnage et son univers, qui a gagné une certaine reconnaissance malgré tout, bien plus en tout cas que depuis que je l'ai découvert en 1988. Même si les projets sont peu nombreux, ils ont au moins le mérite d'exister, ce qui n'a pas été le cas pendant très, très longtemps ! Nous verrons bien où tout cela nous mènera.
Pas si mal finalement pour une histoire qui a plus de 100 ans !