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Chez Sister Love - Norman T. RAY
7 mars 2017

Il y a 5 ans sortait #JohnCarter en France !

Le 7 mars 2012, je ne tenais plus en place à mon bureau. Plus que quelques heures et je m'assiérai dans un fauteuil de cinéma pour visionner enfin John Carter, une adaptation au cinéma de ce qui est toujours à ce jour ma série de romans favorite. Pourtant on ne pouvait pas dire que le marketing du film donnait envie. Affiche moche, bande-annonces peu excitantes, une presse outre-Atlantique qui descendait déjà le film sans l'avoir vu... Seules quelques critiques dythirambiques donnaient espoir, comme celles d'Aintitcool News, qui parlait déjà du "Star Wars de cette génération". Impossible alors de savoir ce qu'il allait devenir du film au box-office. Allait-il se planter ? Allait-il attirer les foules malgré tout par la force de son bouche-à-oreilles ? Le film ne sortait que deux jours plus tard aux Etats-Unis.

J'avais pris mon après-midi exprès. Je ne pouvais pas décemment attendre le week-end pour un film que j'avais attendu une bonne partie de ma vie. Il fallait que je sois là à la première séance pour me rendre compte si c'était réellement le désastre annoncé ou un chef-d'oeuvre en péril. J'achète fébrilement ma place, et en attendant que les lumières s'éteignent, je relis quelques passage de La princesse de Mars, que j'ai amené dans mon sac avec moi. Cela aide à patienter, bien que je connaisse le roman par coeur. Je suis de toute façon déjà amoureux de la princesse de Mars depuis 1988... Je relève la tête, pas grand-monde dans la salle, malheureusement. Pas très encourageant pour le film (qui finira par atteindre un million d'entrées France). La lumière d'éteint. Plus que quelques publicités pénibles à endurer pour des produits que je n'achèterai jamais, ainsi que des bande-annonces pour des films que je n'ai aucune envie de voir...

Ce premier visionnage a quelque chose de douloureux. Je n'y vois finalement que ce qui ne fonctionne pas, le rythme bancal, les scènes d'exposition placées bizarrement, et en plus concernant des enjeux qui ne figuraient pas dans le livre d'origine. Un des spectateur émet des bruits de ronflement lorsque Dejah et Carter explorent le temple des Therns, et je ne peux m'empêcher de noter tous les détails soit changés, soit purement et simplement ignorés. Et même si celui qui prétendait ronfler à un moment donné finit par dire à la fin "c'est mieux que ce que je pensais" (réaction qui sera à peu près celle de tous ceux qui découvriront le film après coup, soit une immense majorité qu'on ne peut malheureusement pas évaluer), je suis pour ma part extrêmement déçu.

Cette opinion initiale changera du tout au tout au cours des semaines, lorsque je réalise tout ce qui fonctionne, et tout ce qui vient du livre en droite ligne, à commencer par l'extraordinaire scène où Carter se sacrifie pour sauver Dejah et Sola. Même si les enjeux sont un peu différents, la fin extraordinaire est aussi celle du livre. Le séjour chez les Martiens Verts est une copie quasi conforme de celle du Carter du roman. Les personnages, même un peu transformés, sont attachants et bien incarnés. Bref, John Carter à ce moment-là prend lentement mais sûrement dans mon esprit une place de choix parmi mes films préférés, tout simplement. Et il l'a toujours aujourd'hui.

La suite, on la connait. Le film ne fait même pas 100 millions aux Etats-Unis et ne rapporte que 283 millions de dollars dans le monde entier. Insuffisant pour lancer la suite, qu'Andrew Stanton était déjà en train d'écrire. Et peu importe qu'une bonne partie de cet échec puisse être imputé à un marketing désastreux, Disney s'en lave les mains (annonçant des pertes alors même que le film est encore en salles !), et se sépare des droits de façon anticipée. Ils n'ont plus besoin de John Carter de toute façon, ils ont Marvel et s'apprêtent déjà à racheter Star Wars...

Les fans tentent de s'organiser, et même l'équipe du film se manifeste en créant d'elle-même la page Facebook "Take me Back to Barsoom". Tout le monde veut la suite finalement, sauf ceux qui pourraient la financer. Trop peu de monde sans doute se mobilise pour réclamer la suite, la pétition rame à réunir 15000 signatures.

5 ans plus tard, quel est l'état des lieux ? Les droits de John Carter sont dans la nature, disponibles pour qui voudra les acquérir, ce qui signifie pour l'instant, très concrètement, que personne n'en veut. Concernant les autres propriétés signées Edgar Rice Burroughs, les droits cinématographiques de Carson de Vénus ont par contre été achetés, Warner a sorti avec un certain succès un nouveau Tarzan en 2016 (mais là encore, pas d'engagement sur une suite éventuelle, à ce jour), et il y a une nouvelle série animée de Tarzan sur Netflix (qui n'a pas grand-chose à voir avec le personnage). Andrew Stanton a indiqué par des tweets qu'il voudrait organiser un événement autour de John Carter, en guise de conclusion à cette aventure, au cours duquel il révélerait ce qui auraient dû se trouver dans les deux suites prévues du film. Dynamite Entertainment continue à publier périodiquement des bandes dessinées John Carter aux Etats-Unis (dont un crossover mettant en scène tous les héros emblématiques de Burroughs). ERB Incorporated publie sur son site des comic strips consacrés aux héros de Burroughs, moyennant un abonnement de 1,99$ par mois. La société anglaise Modiphius Games a les droits de produire des jeux sur John Carter, et devrait sortir un jeu de rôle, déjà bien avancé, un jeu de figurines et un jeu de plateau. L'auteur Scott Tracy Griffin, qui a écrit "Tarzan the Centennial Celebration" et "Tarzan on Film", va annoncer un nouveau projet de livre lié à John Carter le 1er avril.

Comme le crierait le capitaine Carter lui-même, "je suis toujours vivant !". Paradoxalement, si le film est considéré comme un échec, il aura cependant mis en lumière le personnage et son univers, qui a gagné une certaine reconnaissance malgré tout, bien plus en tout cas que depuis que je l'ai découvert en 1988. Même si les projets sont peu nombreux, ils ont au moins le mérite d'exister, ce qui n'a pas été le cas pendant très, très longtemps ! Nous verrons bien où tout cela nous mènera.

Pas si mal finalement pour une histoire qui a plus de 100 ans !

jcaff

 

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Commentaires
E
Ce qu'il y a de fascinant chez Burroughs (comme tu le dis parfaitement bien) c'est qu'il semble prendre une revanche sur le racialisme de son temps et de son ethnie à l'intérieur même de la sphère Barsoomienne, ce qu'il ne parvient pas à faire vraiment dans celle de Tarzan. Mais ce qu'il y a en retour de frustrant et donc d'injuste quand on relit ça à partir de notre propre époque, c'est que tout en réévaluant l'ethnie dite "rouge" qui, même si c'est péjoratif, incarne bien le peuple indien, il demeure cependant un sudiste patenté et donc borné. Relisons tous pour cela l'entame même de "Une princesse de mars" afin de nous rendre compte combien la ségrégation vis à vis de l'ethnie noire est implantée dans l'esprit de son temps et par conséquent dans son écriture. Mais Burroughs n'est pas un raciste à proprement parlé, il parle à partir d'un establishment où l'esclavage était malheureusement chose commune dans son pays. Le fait qu'il ait "quand même" crée ce Barsoom pour justement échapper à cette "uniformisation blanche" relève de l'exploit littéraire tout simplement. Robert Ervin Howard, dans son Solomon Kane tentait déjà un rapprochement entre blancs et noirs via son sorcier de l'antique Afrique. Cette filiation nouvelle entre les personnages via l'imagerie onirique du rêve comme lien unificateur fait du texan Howard quelqu'un de bien plus en avance sur son temps que ne le fut Burroughs. Mais Howard est bien semblable à Burroughs quand il aborde la princesse américaine puisque lui aussi crée un pont avec la nation indienne fraîchement éradiquée par les blancs. Voilà pourquoi, sans dénaturer l'ensemble du texte, je me demande si les futurs traducteurs de Burroughs ne devraient pas procéder à des "remises à niveau" du texte, ceci afin de le rendre plus acceptable aux lecteurs de notre temps. Plus universel. Sans trahir l'esprit du récit justement puisque Burroughs va vers une ouverture aux autres ethnies au travers de sa saga, ce qui le hisse bien au-dessus de son époque.<br /> <br /> <br /> <br /> Parenthèse bibliophilique. Imagine toi un peu, cher Norman, la publication des sagas de Pellucidar et de Barsoom expurgées des quelques relents racialistes, le tout rehaussées des couvertures de Frazetta, Ken Kelly, Neal Adams, Michael Whelan, Esteban Maroto (les meilleures selon moi pour le cycle de Venus). Le tout en poche, cela se serait vendu comme des petits pains. Manquait plus que la saga d'Imaro de Saunders, seul barbare proto-africain sous les couvertures d'un Boris Vallejo inspiré, et je pense que c'est tout ce que j'aurais lu dans ma jeunesse, avec Howard bien entendu. Ah, Howard sous Frazetta, et l'incroyable et un peu trop vite oubliée Jeffrey Jones et ses peintures mélancoliques....
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N
Je vous invite, si le cœur vous en dit, à lire ce texte paru sur le site Erbzine que j'avais traduit : "Les romans martiens d'Edgar Rice Burroughs en tant que paradigme précoce de tolérance raciale" :<br /> <br /> <br /> <br /> http://normantrayfr.canalblog.com/archives/2018/07/27/36590239.html
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N
Il est certain que John Carter a totalement manqué sa transition vers le multi-média, alors qu'il a contribué à engendrer les genres les plus populaires actuels, à savoir les super-héros, via Superman, et la science-fiction, via Flash Gordon et Star Wars. Nous aurions dû en être en 2012 au moins à la cinquième adaptation, mais pour des raisons diverses, cela n'a pas été le cas. Effectivement, quel regret de n'avoir pas au à l'époque cette Princesse de Mars avec Tom Cruise et Julia Roberts, qui plus est réalisé par un John McTiernan au sommet de son art ! Par contre, le "contexte socio-économique raciste" que vous évoquez a peut-être été justement un frein justement à l'adaptation de John Carter au cours des années, car on ne peut pas faire sans l'histoire d'amour entre John Carter et Dejah Thoris, qui EST le cœur de l'histoire, et c'est au fond l'histoire d'un homme qui se marie en dehors de sa "race" (ce que ne fait pas son grand cousin Tarzan par exemple). L'écueil est évité dans le film d'Andrew Stanton, en faisant des "couleurs" du peuple rouge de simples tatouages. L'excuse d'une impossibilité "technique" ("on n'est pas arrivé à rendre la peau rouge suffisamment crédible) est ici bien commode et peu convaincante. Les histoires de John Carter sont justement un des contre-exemples de cette culture raciale en vigueur à l'époque. A la fin du troisième tome des aventures de John Carter, celui-ci a contribué à unir toutes les couleurs de peau de la planète tels des frères, tous sur un pied d'égalité (détail intriguant, sauf les blancs). En 1913. C'est justement un des pans de cette histoire qu'il faudrait célébrer à mon avis.<br /> <br /> <br /> <br /> Et, cher Esau Cairn, j'espère que votre séjour sur Almuric se passe toujours sous les meilleurs auspices, mes amitiés à Altha.
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E
Je me demande si ce film n'aurait pas du être réalisé dix ans auparavant, par un Ridley Scott, voire un Cameron ou un Spielberg avec moins de moyens mais plus d'inventivité. Il faut savoir que Tom Cruise avait longuement été pressenti pour incarner John Carter durant les années 90, et je m'interroge aussi sur le fait qu'un acteur plus nerveux, plus instinctif, aurait pu largement changer la donne. En outre, Cruise a ce don qui est de svaoir incarner des figures paroxystique et romantiques comme John Carter, sans parler d'un physique qui lui est très proche. Quelques séances de musculation durant quelques mois aurait à mon avis achevé de convaincre tout réalisateur en mal d'acteur chevronné. Mais n'est-ce qu'un problème de temporalité ? Quand on voit la performance de Spielberg tout à fait remarquable sur le remake de "La guerre des mondes" (il aurait fait merveille sur celui de "Planète interdite" mais a préféré le très casse gueule remake de "West Side Story"), on peut en déduire que ce "John Carter" là était bien rutilant d'effets spéciaux mais sans aucune âme et bourré d'erreurs, à commencer les proportions des fameux singes blancs géants, bien trop grands, signe d'un besoin de démesure et de tailles exagérées dans un cinéma de genre qui inquiète parfois par ces disparités entre les personnages originaux et une imagerie devant pratiquer la surenchère et le gargantuesque sombrant la plupart du temps dans le grotesque et la caricature. Dommage, cette saga a pour sa défense ce paradoxe qui est d'échapper d'un point de vue littéraire au temps mais également aux mauvais réalisateurs d'un point de vue visuel, et ce malgré le contexte socio-économique raciste dans lequel tout a été écrit et qui mériterait peut-être quelque quelques coups de plumeau. Ce qui fait qu'on attend encore qu'un réalisateur assez passionné se lance vraiment dans cette magnifique fresque. Le virtuel aura-t-il raison du romantisme affecté et du vitalisme épique dans le cinéma de genre ? L'avenir seul nous le dira. Mais pour Barsoom cela semble compromis pour le moment.
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Chez Sister Love - Norman T. RAY
  • Auteur du roman électronique Mais Qui Est Donc Sister Love, Norman T. Ray a créé ce blog pour évoquer l'aventure de cet ebook ainsi que ses diverses passions. Bienvenue ! For the english version, here is the link: http://normantrayeng.canalblog.com/
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