Hommage à Stan Lee

J’écris rarement de message de type « nécrologie ». Je n’en vois généralement pas l’intérêt. Je ne le fais déjà pas pour les membres de ma famille, le conglomérat intangible « Internet » s’en fout de toute façon, et avec raison. Alors, pour ceux que je ne connais pas personnellement…

Et pourtant, et pourtant… Stan Lee est décédé hier, 12 novembre 2018, et me voilà poussé malgré moi à écrire ces quelques mots.

Il faut dire que la découverte de l’existence des super-héros fait partie intégrante de ma construction mentale, pour le meilleur je pense. Ces personnages plus grands que nature, et pourtant si humains également. Oui, ce sont des personnages Marvel que je parle avant tout.

Au moment où je découvre les comics à travers la télévision avec les 4 Fantastiques de Hanna-Barbera, à travers le dessin animé Spider-Man, où les mêmes poses étaient répétées toutes les cinq minutes, et en lisant le Spécial Strange sans couverture que possède mon voisin, Marvel était devenu Marvel depuis 20 ans déjà, et Stan Lee lui-même n’écrivait plus de comic book depuis bientôt 10 ans. Mais « Stan Lee présente » précédait toutes les histoires. C’était déjà une éminence grise, alors que les opérations du quotidien étaient gérées par d’autres scénaristes depuis longtemps.

La légende était en route, celle du créateur unique de l’Univers, et pourtant dans le même temps, le même Stan Lee avait toujours tenté de valoriser ses co-auteurs, à travers un discours « méta », donnant des surnoms à ses dessinateurs, encreurs, coloristes… Autant de postes que je découvre (pour moi, naïvement, le dessinateur faisait tout, du dessin à l’encrage en passant par le lettrage et la mise en couleur !), donnant l’impression d’une vraie famille de créateurs. La personnalité virtuelle flamboyante ainsi créée de Stan « The Man » éclipsait tout sur son passage.

Je ne découvre que bien plus tard l’ « auteur » Stan Lee, avec la publication des premières aventures de ses personnages emblématiques, si intemporels qu’ils sont toujours exploités aujourd’hui. Si on y réfléchit bien, quels personnages stars ont réellement émergé dans l’inconscient collectif depuis les années 60 ? On les compte sur les doigts d’une main. Wolverine, sans aucun doute. Le Punisher, peut-être. Tout le reste a été au moins co-créé par Stan Lee (à l’exception notable de Captain America). Hors Marvel, je n’ai jamais rien apprécié de Kirby ou Ditko. L’apport de Stan Lee canalisait la créativité de ces auteurs d’une façon particulière, il savait conférer une réelle humanité à ses personnages. Et ça, ça venait du texte, pas nécessairement des dessins.

Stan Lee était finalement au bon endroit, au bon moment. Il faut voir ce que produisait DC dans les années 60. Il faut une sacrée dose de suspension d’incrédulité pour pouvoir lire et apprécier en tant qu’adulte les histoires de Superman ou Batman de cette époque. Lee, avec l’aide de Kirby, Ditko et consorts, fait passer les comics à de l’âge « bébé » à l’âge adolescent. Ses personnages sont rebelles, ils vivent dans le New York « réel », et leur identité civile est mise en avant dans les histoires. Quand Lee et Kirby créent les 4 Fantastiques (comic book distribué à l’époque, ironie du sort, par DC Comics !), chez DC, l’homme-requin Kanjar Ro force les membres de la Justice League à ramer sur une barque cosmique. Le contraste est plutôt violent.

Sans Lee, on aurait continué peut-être à avoir des histoires bébêtes principalement destinées aux gosses. Quelqu’un d’autre aurait-il pu orchestrer cette transition ? Sans doute, mais il se trouve que c’est lui (et ses co-auteurs) qui l’aura accomplie.

Moi, je vous l’avoue, l’âge adolescent des comics me conviendra tout à fait, et continue à me convenir, même si aucun comics actuel ne me semble plus avoir cette tonalité. C’est sous cette impulsion salutaire que seront pour moi créée la perfection en matière de comics, des histoires à la fois hautes en couleur (au sens propre du terme !), sans être idiotes pour autant.

Merci donc M. Lee pour avoir contribué à initier ce mouvement. Que votre repos soit doux.