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Chez Sister Love - Norman T. RAY
8 février 2021

Que vaut le #Tarzan de David Yates de 2016 par rapport aux romans ?

Le mythe de Tarzan s'est construit en parallèle, en dépit même, du roman original, à l'instar d'un Conan dont l'image publique dans la conscience collective, le "barbare", ne reflète que très partiellement la création de Robert E. Howard. C'en était à tel point que durant longtemps, Tarzan ne m'a pas intéressé du tout. Je trouvais le personnage assez insipide et les aventures dans la jungle ne me passonnaient pas plus que cela.

Et puis un jour, j'ai lu le roman.

Qu’est-ce qu’il a de si spécial ce Tarzan ? - Chez Sister Love - Norman T. RAY (canalblog.com)

Une belle claque, dans le bon sens du terme. Tarzan le personnage littéraire n'avait pas grand-chose à voir avec Tarzan tel qu'il était présent dans la culture populaire. Plus sauvage, plus imprévisible, plus violent et impulsif, finalement plus animal qu'humain, en un mot plus intéressant que le boy-scout de la jungle qu'il était devenu dans des adaptations édulcorées.

Inutile donc de dire qu'en 2016, plus personne parmi les fans d'Edgar Rice Burroughs n'espérait une adaptation fidèle du personnage. Le Tarzan de David Yates remplit-il cet objectif ? Plus ou moins, mais plutôt plus que moins finalement.

David Yates admet lui-même ne pas avoir lu Tarzan, donc si fidélité il y a, elle est à chercher chez les producteurs et surtout les scénaristes. Car même si le film ne reprend la trame d'aucun des romans, il en comporte néanmoins de nombreux éléments :

- l'histoire des parents de Tarzan tout d'abord, reprise avec une fidélité rare, à quelques détails près. La cabane dans les arbres du film est plus un héritage des films de Johnny Weissmuller qu'un élément repris des romans. Mais elle est située tellement en hauteur que cela en devient absurde dans le film. Imaginez que les pauvres époux Clayton (y compris quand Lady Alice était enceinte !) devaient emprunter en permanence cette échelle gigantesque fabriquée avec les moyens du bord (donc potentiellement assez fragile !) tous les jours où ils quittaient leur abri. Dans le roman, même si les époux passent leurs premières nuits dans un abri de fortune dans un arbre, Lord Greystoke fabrique ensuite une cabane dans une clairière, dont la porte est dotée d'un solide verrou.

- Lord Greystoke Père mourut effectivement peu de temps après sa femme, mais il n'eut pas le temps de l'enterrer. Devenue démente suite à une attaque de gorille, Lady Alice perd la tête et se croit revenue à Londres. Lord Greystoke décide de ne pas la contrarier et va dans son sens, mais un jour en rentrant dans la cabane, il la retrouve morte dans son lit. Fou de chagrin, il en oublie la précaution élémentaire qui tenait les prédateurs (dont les fameux Manganis) à l'écart de la cabane, enclencher le fameux verrou inviolable. Les hommes-singes pénètrent donc dans la cabane et Kerckak, leur chef, tue sauvagement Lord Greystoke père. Devenu adulte, Tarzan affrontera Kerchak et le tuera durant un combat féroce qui lui laissera à vie une cicatrice sur le front, ayant été proprement scalpé par les griffes de Kerchak durant l'affrontement. Ironiquement, et Tarzan ne l'a sans doute jamais su, il aura à cet instant vengé la mort de son père biologique.

- Tarzan bébé est effectivement recueilli par Kala à ce moment-là, le détail qui diffère est que Kala porte un petit Mangani sur son dos dans le film, qui sera finalement élevé avec Tarzan. Dans le roman, Kala vient de perdre son petit. Dans une crise de démence psychotique qui touche parfois les Manganis (comme d'ailleurs montré lors d'un flashback dans le film), Kerchak menace Kala, qui doit s'enfuir dans les arbres. Son enfant, qui était accroché à sa mère, perd prise et s'écrase au sol, mort. Dans la cabane, Kala, qui portait encore sur elle le corps sans vie de son enfant, s'empare de Tarzan et laisse à sa place le corps de son enfant mort. Dans le film, le petit de Kala deviendra Akut. Akut est bien un Mangani allié de Tarzan (et de son fils Korak) dans les romans suivants, mais n'a pas de lien de "parenté" avec lui.

- La critique principale de bon nombre de fans des romans est que Tarzan perd systématiquement tous ses combats contre les Manganis dans le film, alors que ce n'est jamais le cas dans les romans. Il faut dire qu'il lui manque un atout considérable dans le film, à savoir le couteau de chasse de son père ! Mais le côté sauvage de Tarzan envers des animaux peut-il encore s'exprimer au vingt-et-unième siècle ? Par contre on constate bien sa force incroyable lors du combat contre les soldats dans le train, comme quoi ça paie de lutter avec des Manganis pendant toute son enfance !

- Son amitié avec des lions peut aussi paraître surprenante pour les fans des romans, étant donné que Manganis (et donc Tarzan par association) et lions sont des enemis jurés. On ne compte plus dans les premiers romans le nombre astronomique de lions (tous solitaires, tous assoiffés de sang) tués par Tarzan. Mais dès le roman Tarzan and the Golden Lion, celui-ci adopte un lionceau, qui deviendra son allié Jad-Bal-ja. Donc pourquoi pas !

- La mort de Kala, la mère mangani de Tarzan, se passe comme dans le roman, à un détail près. Dans le film Kulonga tue Kala dans le cadre d'un rituel de passage à l'âge adulte. Dans le livre, c'est une rencontre fortuite, Kulonga prend peur devant l'attitude agressive de Kala et la tue avec une flèche empoisonnée. Cela rend d'autant plus tragique la mort du jeune homme aux mains de Tarzan, Kulonga ne partant pas avec l'intention de tuer un Mangani.

- Dans le film, Mbonga, le père de Kulonga, veut se venger de Tarzan. Saluons au passage la performance de Djimon Hounsou qui réussit à composer un personnage très fort avec assez peu de temps de présence à l'écran. Dans le roman, Mbonga est un personnage assez absent, et qui n'a pas la carrure pour venger son fils, surtout face à un Tarzan que son peuple voit comme un esprit malin et maléfique, plus que comme un être humain. Il n'est pas non plus un homme-léopard, ces personnages n'apparaissent qu'assez tardivement dans la saga des romans.

- La Cité cachée d'Opar est effectivement pleine de richesses incroyables. Lors de son premier séjour sur place, Tarzan repère notamment une pièce si secrète que même les habitants d'Opar en ignorent l'existence, remplie de richesses à raz bord, et qui fournit à Tarzan une source de revenu presque infinie. La différence avec les romans, c'est que cette cité mythique est peuplée d'hommes-singes et est gouvernée par la superbe prétresse La, dont le passe-temps favori semble être le sacrifice humain sans cesse contrarié par Tarzan (un emprunt que fait sans doute Burroughs à la "She" de Ridger Haggard).

- Le personnage de Tarzan en lui-même : dejà il n'est normalement pas blond, mais a les cheveux bruns. Sa peau, contrairement à la représentation traditionnelle, n'est pas blanche mais brunie par les éléments. Enfin il a normalement une cicatrice impressionnante sur le front suite à son combat contre Kerchak (à l'instar du personnage littéraire de James Bond, qui a normalement lui aussi une cicatrice sur le visage). Il ne déprime pas quand il est dans la civilisation, même s'il lui tarde toujours de rejoindre la jungle. En fait le Tarzan littéraire est à l'aise quel que soit l'environnement, une de ses qualités principales est l'adaptabilité.

- Le cri de Tarzan, quel dommage ! C'est une constante de romans, quand Tarzan a vaincu un enemi, il met le pied sur son corps, et lance son cri de victoire, celui des grands singes. L'ère Weissmuller en fera une sorte de "yodel", étrange, mais qui deviendra ultra-populaire. Le cri de Tarzan dans la bande-annonce de 2016 était féroce et impressionnant, mais celui finalement présent dans le film sera un compromis entre celui-ci et le "yodel" à la Weissmuller ! Décidément, on n'en sortira pas, des références à Johnny...

- Polémique il y eut également quand Tarzan admet devant Mbonga que dans sa jeunesse il n'avait pas d'honneur au moment où il a tué Kulonga. Le Tarzan de Burroughs ne l'aurait sans doute pas vu de cette manière, Kulonga ayant tué sa mère, il devait le tuer en retour, et il le tuera effectivement de sang-froid dans un passage qui glace le sang dans le roman originel.

- Muviro, vieux chef qui trouve la mort dans le film, est dans le roman un membre jeune de la tribu des Waziris, qui n'ont aucun mal à reconnaître en Tarzan un être digne de les diriger, ce qui est chose faite à partir du second roman. Oui, ça fait un peu impérialiste dit comme ça, Burroughs n'était pas raciste, mais son anti-racisme était quelquefois teinté d'un certain paternalisme, il faut bien le reconnaître.

- Jane n'a pas été élevée en Afrique dans les romans, c'est une Américaine de Baltimore qui se retrouve embarquée par son père et son fiancé d'alors en Afrique. Une de mes critiques du film était ce passage où Jane, poursuivie par Rom et ses hommes, se retrouve face à des Manganis. Elle aurait dû pouvoir s'en sortir seule, sans avoir besoin de Rom pour lui porter secours. Bref, il faut signaler qu'au fil des romans, Jane la citadine moderne en vient à comprendre et à apprécier le mode de vie de Tarzan, ci-dessous le moment où cela se produit dans Tarzan the Terrible :

#Tarzan le Terrible (livre 8) : un roman important pour contrer les idées reçues sur Edgar Rice Burroughs ! - Chez Sister Love - Norman T. RAY (canalblog.com)

- Le contexte historique : une chose que Burroughs a voulu éviter à tout prix, c'est d'ancrer sa création dans un contexte historique. Il n'a jamais fait intervenir de personnages historiques, comme George Washington Williams et Léon Rom, dans ses récits, même si le Roi Léopold II de Belgique, et donc du Congo, est bien cité dans le texte : la tribu de Mbonga a fui son oppression, eux viennent donc bien du Congo. Mais l'endroit où se passe vraiment l'action de Tarzan of the Apes n'est jamais nommé, laissant cours à de nombreuses spéculations de la part des fans. Avec le recul, je trouve que c'est une faiblesse du film plutôt qu'une force, comme dans ces scènes où au moins à trois reprises, des personnages doivent expliquer ce qui se passe sur une carte (ça se passe à Londres, dans le train ET sur le bateau de Rom).

Bref, dans l'ensemble, les scénaristes ont fait leur travail, en essaimant dans leur récit de nombreuses références aux romans, ce que les précédentes adaptations ne faisaient de toute façon déjà plus depuis longtemps. Le Tarzan de 2016 signé par David Yates fait donc partie des adaptations les plus fidèles au personnage littéraire, ce qui ne veut pas forcément dire grand-chose, en considérant que la plus populaire jusqu'à présent a été l'interprétation en mode sauvage mono-syllabique de Johnny Weissmuller, incroyable de charisme même encore aujourd'hui.

Bel effort donc, même si l'adaptation ultime reste un rêve à venir !

Tarzan 2016

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  • Auteur du roman électronique Mais Qui Est Donc Sister Love, Norman T. Ray a créé ce blog pour évoquer l'aventure de cet ebook ainsi que ses diverses passions. Bienvenue ! For the english version, here is the link: http://normantrayeng.canalblog.com/
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